Appel à communication

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Argumentaire

Le développement de l'enseignement  en France pourrait se lire comme la conquête progressive d'un territoire, à l'articulation d'une politique orchestrée par l'État, et des initiatives conjointes ou concurrentes d'acteurs non étatiques - les villes, les congrégations, les entreprises etc -, en lien avec les transformations socio-économiques qui ont marqué les trois derniers siècles. Le maillage territorial de la carte scolaire et universitaire, en ce début du xxie siècle,  résulterait alors du déploiement logique de l’offre de formation au plus près des populations qu'elle doit accueillir. Si cette proximité apparait bien comme un élément déterminant, elle n'est cependant pas le seul principe organisationnel à l’œuvre. Elle ne doit pas, en particulier, occulter le rôle structurant joué par les mobilités géographiques dans les parcours de formation : mobilités voulues et orchestrées entre autres par l'État,  lorsqu'il s'agit d'élargir au maximum le recrutement d'une formation pour assurer la qualité d'une future élite, mobilités individuelles venant déjouer les projets d'une occupation « rationnelle » du territoire.

Ce colloque souhaite ainsi mettre en lumière la façon dont les mobilités participent, conjointement avec le déploiement d'une offre géographiquement située, à la structuration sociale et territoriale du système d'enseignement et plus largement d’une société où s’opposent Paris et la province, grandes villes et villes moyennes, zones urbaines et zones rurales. Il s'agit donc d'interroger les logiques spécifiques qui sous-tendent, d'une part, le déploiement de l'offre, d'autre part, l'organisation des mobilités individuelles et collectives, ainsi que leurs modes d'articulation et leurs relations de complémentarité et de concurrence. 

Cette réflexion prendra pour point de départ le XVIIIe siècle. Non que les mobilités liées à la formation n'aient existé dans les périodes précédentes (voir l'atelier dédié des journées de Blois de 2016), mais le siècle des Lumières est marqué à la fois par un intense travail de réflexion sur l'organisation d'une éducation nationale et par la création des institutions publiques d'enseignement requises par l'expansion de l'État moderne (l'école royale des Ponts et chaussées en 1747, l'école des Mines de Paris en 1783, etc.). On peut y déceler l'amorce de cette tension entre le déploiement rationnel d'une offre de formation et les logiques individuelles des mobilités, que ce colloque veut interroger plus en détail. Notre ambition est de suivre ce fil jusqu'à nos jours afin d'identifier sur, le long terme, continuités et ruptures, et d’esquisser ainsi une périodisation susceptible de renouveler notre compréhension des logiques de structuration des espaces éducatifs.

Pour ce faire, le colloque n’exclura, a priori, aucune institution d’enseignement – qu’elle dispense une formation de type élémentaire, secondaire, supérieure, professionnelle, sans oublier les établissements dédiés à la formation des enseignants. Il s’intéressera aussi bien à l’enseignement public qu’aux institutions privées. Les contributions pourront porter sur des mobilités d’amplitude diverse au sein de l’espace français (à l’intérieur d’une ville, comme au sein de l’Empire colonial), ainsi que sur les déplacements d’élèves ou d’étudiants français à l’étranger. La venue d’étudiants ou d’élèves étrangers en France – mobilité qui constitue en elle-même un champ d’étude extrêmement riche – ne sera, en revanche, pas incluse dans la réflexion, à moins qu’elle n’éclaire directement l’objet du colloque.

Débouchant sur le temps présent, ce colloque fait le pari du dialogue entre l’histoire et les diverses sciences sociales qui étudient ces mobilités, leurs motivations et leurs effets dans la société contemporaine. Les contributions des géographes, sociologues, politistes, etc. seront donc les bienvenues, aux côtés de celle des historiens : les hypothèses formulées, comme l’originalité du matériau empirique mobilisé, pourront nourrir la réflexion collective sur les transformations, anciennes ou récentes, qui ont affecté le modèle social et politique français. Dans la sélection des contributions relatives à la période la plus récente,  on ne donnera pas la priorité à celles qui affinent l’analyse de phénomènes déjà documentés par la recherche – par exemple, l’évitement de certains collèges par les classes moyennes et supérieures – mais plutôt à celles qui mettent en lumière des dynamiques jusque-là négligées par les chercheurs.

En ciblant la réflexion sur le cas français, on souhaite créer les conditions propices à un vrai travail de périodisation, s’agissant de phénomènes qui dépendent étroitement des spécificités d’un État, d’un territoire et d’une population. Des éclairages sur d’autres espaces nationaux, dans la mesure où ils contribuent à la formulation d’hypothèses éclairantes pour le cas français, pourront cependant trouver leur place dans le colloque.

Thématiques

Les contributions s’inscriront dans l’un ou l’autre des axes suivants :

1.      Modèles

Le développement planifié de l'offre de formation  - de la création des premiers lycées au plan Université 2000 - met en jeu des modèles, au sens d’idées directrices –  « méritocratie républicaine », « aménagement du territoire », « égal accès à l’offre de formation » etc. – où s’entremêlent considérations axiologiques et principes organisationnels. De manière plus ou moins explicite, ces modèles supposent certaines mobilités – drainer les « meilleurs » à Paris –  et en excluent d’autres – quand il s’agit, par exemple, d’enraciner la population rurale dans les campagnes – implications qu’il s’agira ici de mettre en lumière.

Dans cet axe, on s’intéressera non seulement au contenu de ces modèles, mais aussi à leur genèse, leur diffusion, leur abandon, en étant, en particulier, attentif aux acteurs qui s’en font les relais. On pourra aussi examiner les convergences ou les divergences observables entre les schémas directeurs de l’enseignement public et ceux des institutions privées, qui – pour certaines d’entre elles au moins – sont confrontées, dans des termes similaires, aux problèmes d’aires de recrutement et de structuration d’un réseau.

2.      Instruments 

 

Au-delà des symboles et des mythes dont se nourrit notre imaginaire politique, les contributions pourront s’intéresser aux différents types d’instruments utilisés pour accompagner, encourager ou encadrer ces mobilités. Exemples parmi d’autres : le cadre de classement des lycées qui sanctionne la supériorité des lycées parisiens au XIXe siècle, les modes d’organisation des transports scolaires dans la seconde moitié du XXe siècle,  ou encore les systèmes d'affectation dans les collèges, les lycées ou l’enseignement supérieur (APB).

On tentera d’évaluer les effets structurants de ces instruments, qu’on ne saurait en aucun cas prendre pour de simples traductions techniques, et donc « neutres »,  des modèles mentionnés plus hauts. On sera tout particulièrement attentifs à la façon dont ces instruments organisent les flux financiers occasionnés par les mobilités, que celles-ci soient prises en charge par les familles, l’État ou les collectivités territoriales, etc. On inclura dans la réflexion les instruments de gestion liés à la mobilité du personnel, dans la mesure où celle-ci éclaire la structuration du système de formation. On pourra, enfin, réinterroger les conséquences pratiques du maillage opéré par les services déconcentrés de l’Éducation nationale, ses mutations, ainsi que la répartition des compétences entre l’État et les différentes collectivités territoriales. 

3.      Stratégies

 Ce dernier axe s’intéressera aux stratégies des familles et des individus, confrontés, suivant les périodes et les filières de formation, à un marché scolaire ouvert et concurrentiel, ou à une offre sectorisée à l’intérieur de laquelle le choix est contraint voire inexistant. Dans cette deuxième configuration, on pourra examiner les mobilisations collectives qui entendent peser sur la décision politique – la lutte contre les fermetures d'école rurale – comme les stratégies individuelles qui cherchent à en contrer les effets – le contournement de la carte scolaire.

Ce colloque entend ainsi contribuer à la réflexion sur les évolutions contemporaines du lien social en France. Quel rôle l’école joue-t-elle dans la stratification tout à la fois sociale et géographique de la société française ? Sur le long terme, l’évolution des mobilités géographiques induites par les parcours de formation traduit-elle un rétrécissement ou un élargissement des horizons individuels ? Ces mobilités ont-elles contribué à mieux coordonner les territoires qui s’imbriquent dans l’espace national ou à en exacerber la concurrence ? 
 

Modalités de travail

Ce colloque est conçu dans une perspective de travail collaboratif et fonctionnera davantage comme un atelier de discussion que comme une succession de présentations individuelles. Les intervenant.e.s retenu.e.s s'engagent donc à fournir une version de travail de leur texte le 1er mars 2019, et autorisent sa diffusion aux autres participant.e.s. Toutes et tous devront a minima lire les textes des sessions auxquelles ils/elles participent. Lors de celles-ci, un rapporteur proposera une synthèse des textes concernés et organisera les échanges qui s'ensuivront. Il convient donc d'envisager chacune de ces sessions comme l’occasion de discuter des hypothèses élaborées à partir des enquêtes empiriques. Le colloque débouchera sur une publication collective.

Les propositions initiales fourniront des indications sur les sources et la méthodologie de la recherche.  Elles ne dépasseront pas 2500 signes et pourront être rédigées en anglais ou en français. Ces deux langues pourront être indifféremment employées au cours du colloque.

15 septembre 2018 : date limite pour le dépôt des propositions en ligne à l’adresse

https://formation-mobil.sciencesconf.org/

  • septembre-novembre 2018 : expertises par le comité scientifique
  • 30 novembre 2018 : réponses adressées aux intervenants
  • 1er mars : dépôt en ligne (sur un site protégé) d'une version de travail des textes qui seront présentés au colloque
  • 13-14 juin 2019 : colloque à Bordeaux
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